Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome II.djvu/215

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25 septembre. — Nous sommes partis de Reims pour Paris à midi et demi. Nous arrivons à Paris à six heures. Nous allons à l’appartement retenu, 66, rue La Rochefoucauld. Nous allons descendre rue Laffitte, hôtel Byron.


Paris. 26 septembre. — Ce matin Meurice arrive. Puis Bochet. Nous causons de Rochefort. Je ferai pour le sauver ce qu’on voudra ; mais je ne suis plus rien.


28 septembre. — Rochefort m’a écrit. J’ai écrit à Thiers.


29 septembre. — Visite de d’Alton-Shée. Sa femme vient d’accoucher. Demeurant à Passy, elle a été fin mai et commencement de juin douze jours et douze nuits sans dormir, à cause des feux de peloton, des fusillades et des cris d’hommes et d’enfants qu’on fusillait dans le bois de Boulogne sans interruption jour et nuit.

Promenade le soir en voiture. Nous avons vu les ruines des Tuileries et de l’Hôtel de Ville. Sinistre.


30 septembre. — Un homme officiel, grave et noir, est venu m’apporter la réponse de M. Thiers. Il m’attend demain dimanche à deux heures.


1er octobre. — Je suis allé voir M. Thiers pour Rochefort. À midi et demi, départ pour Versailles. Dans le wagon un homme ganté de jaune qui lit le Figaro a l’air de me reconnaître et me regarde d’un air furieux ; arrivée à Versailles à une heure et demie. Pluie et soleil. À deux heures j’entrais à la Préfecture, que M. Thiers habite. On m’a introduit dans un salon drapé de soie cramoisie.

Un instant après, Thiers est entré. Il m’a tendu la main et je l’ai prise. Il m’a conduit, à travers des corridors et des escaliers, à un cabinet retiré, où il a fait faire un peu de feu. Nous avons causé.

L’entretien a été long et suffisamment cordial. Je l’ai félicité de ce qu’il a fait pour la libération du territoire, et j’ai ajouté :

— Du reste, des abîmes séparent mon opinion de la vôtre. Il y a entre nous des désaccords auxquels vous tenez, et moi aussi. Mais des rencontres de consciences sont possibles.

La commission dite des grâces est tellement féroce qu’il n’y a aucune commutation officielle à espérer pour Rochefort. Mais, à défaut de commutation officielle, il peut y avoir une commutation de fait.

Voici ce que j’ai obtenu de Thiers pour Rochefort :

Rochefort ne sera pas embarqué. Il subira sa peine dans une forteresse, en