Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome II.djvu/218

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toire de Napoléon III, je lui promets un grand succès, et je lui montre prochainement l’amnistie.

— Encore quelques mois, lui dis-je, et vous serez libre.

Il reprend : — Sans vous, j’étais mort.

Et il me montre ses cheveux qui sont tout gris.

Mais il faut partir. Je lui dis : — J’ai Meurice et Blum à dîner. — Emmenez-moi, me dit-il en riant. — Je vous invite avant six mois, lui dis-je.


Et nous nous quittons après un long embrassement.

— Reviendrez-vous ? — Oui, certes.

Et il rentre pendant que je sors. Il est content, il va bien dormir, je suis heureux.

J’étais de retour à Paris à six heures et demie.


3 octobre. — Mme  Henry Maret est venue me voir. Je m’occuperai de son mari qui, lui aussi, est condamné.

Un journaliste, Maroteau, est condamné à mort pour fait de presse !

Rochefort m’a dit hier : — J’ai écrit sur le mur de ma cellule les trois vers que vous avez faits sur moi dans l’Année terrible[1].


4 octobre. — Visite de M. Floquet. Floquet m’a parlé du complot bonapartiste. Ladmirault[2] tient Paris. L’empire est armé. Paris est désarmé.

J’ai rencontré Langlois rue Pigalle. Il m’a sauté au cou. Nous sommes allés causer dans mon nouveau logis, au milieu des caisses d’emballage. Lui aussi voit s’approcher le complot bonapartiste. Il m’a consulté sur le renouvellement de l’Assemblée par tiers.


9 octobre. — Reçu la lettre définitive du directeur de l’Odéon. Je lui réponds. J’accepte. Le traité pour Ruy Blas est conclu.


10 octobre. — Victor a trouvé Rochefort presque radieux. Il lui a dit : — Vous me charmez avec votre air de santé et de joie. — Rochefort lui a dit : — Je le dois à votre père.

  1. Ils viennent, louches, vils, dévots, frapper à terre

    Rochefort, l’archer fier, le puissant sagittaire
    Dont la flèche est au flanc de l’empire abattu.

    Les Pamphlétaires d’église.
    (Note de l’éditeur.)
  2. Général ; sous-gouverneur de l’Algérie en 1865 et sénateur en 1866 ; commanda un corps d’armée en 1870 ; prit une part active à la répression de la Commune et devint, le 1er juillet 1871, gouverneur de Paris avec les pleins pouvoirs de l’état de siège ; sénateur en 1876. (Note de l’éditeur.)