Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Choses vues, tome II.djvu/387

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somme, je ne vous ai pas apporté seulement l’idée première. Je vous ai trouvé la division du livre, chose énorme. Je vois à la table bien peu de noms importants qui n’y soient par mon initiative : Michelet, George Sand, Littré, Gautier, Saint-Victor, Girardin. J’étais là le jour où Lequeux est revenu de l’imprimerie, désespéré, se trouvant en face d’un volume de plus de 2 000 pages ; qui a émis, le premier, l’idée de faire deux volumes ? Qui a dit comment il fallait présenter la chose au public, en s’en vantant au lieu de s’en excuser ? — Quand il a fallu obtenir tout de suite l’Introduction de Victor Hugo, qui en est venu à bout ? Lequeux vous a envoyé les extraits de ses bonnes lettres. J’ai laissé là toute besogne et toute préoccupation personnelles pour aller corriger au fur et à mesure et à toute heure les épreuves, et, grâce à ce zèle, on n’a pas perdu un jour, pas une minute. On m’a consulté sur la page du Titre, autre détail assez grave encore, c’est moi qui l’ai modifiée et trouvée. J’avais commencé à faire les réclames, il y en a eu même une dans la Liberté, Lequeux m’a dit de les suspendre jusqu’à la mise en vente. Puis vous avez élevé, à ma grande surprise, des difficultés sur l’exécution de notre traité. Mais je me mets derechef à votre disposition et je suis encore à temps pour vous être utile. — Encore une fois, mon cher Lacroix, vous n’avez, vous, aucun reproche à me faire. S’il y a eu des fautes commises, elles ne l’ont pas été par moi, elles l’ont été contre moi. Si mon idée première a dévié, comme exécution et comme résultat, de ce que je voyais, de ce que je voulais, jetez, un jour, un coup d’œil sur mes nombreuses lettres de l’an dernier, vous pourrez vous convaincre que mes objections et mes prévisions étaient assez généralement dans le vrai. Telle qu’elle est, l’affaire a de l’avenir, et cet avenir, je suis tout prêt à le servir de mon mieux. Vous terminez votre lettre par de bonnes et amicales paroles dont je vous remercie. De tout ceci il résultera peut-être que vous aurez un jour en moi un peu plus de confiance, et, d’avoir eu confiance en moi, mes amis vous diront qu’on ne s’en est jamais repenti.

À vous bien cordialement.

Paul Meurice.


On lit dans les Carnets :


21 mai. Le livre Paris-Guide a paru. Des citations de mon Introduction m’arrivent dans les journaux.


Plusieurs journaux avaient annoncé, puis commenté l’Introduction de Victor Hugo.

Nous avons parlé plus haut de la note de l’Indépendance belge que nous reproduisons ici :


… Ce qui va achever de donner un attrait souverain à ce volume, ce qui va être un joyau de plus à cet écrin si riche déjà, c’est l’Introduction de Victor Hugo.

Les éditeurs ont réservé au public une surprise magnifique. Au lieu de quelques pages, le travail de Victor Hugo forme la moitié d’un petit volume. Cette Introduction est devenue un Manifeste.

C’est le Paris de la paix et de la liberté qu’évoque Victor Hugo. Il donne la filiation de cette grande capitale et nous la montre dans ses successives transformations, puis, se dégageant du passé et du présent, le grand poète entr’ouvre l’avenir. C’est Paris, c’est l’Europe au xxe siècle qu’il fait apparaître.

Merveilleux mirage ; les temps des luttes homicides sont passés, les frontières des peuples rivaux et jaloux se sont abaissées ; la fraternité trône avec la liberté, sa sœur, parmi les nations émules pacifiques ; le progrès a repris sa marche, et l’industrie a trouvé son essor magnifique au sein de cette concorde des races. C’est alors que Paris occupe sa place véritable dans ce courant unanime de la civilisation.

Il faut lire ce tableau superbe du Paris de l’avenir, opposé au Paris du passé ; il faut entendre cet appel du génie à toutes les nobles passions de l’homme ; sous le coup de cette vision de l’idéal, on se sent meilleur et grandi ! on est transporté hors des luttes mesquines et des petitesses du présent.

Paris-Guide ne pourrait avoir un plus beau préambule et ce seul travail assurerait au livre, s’il en était besoin, un succès universel.