Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/376

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Un casque monstrueux sur sa tête de pierre !
A ce bruit qui jadis vous eût fait rugir tous
— Le roi de France est mort ! – d’où vient qu’aucun de vous,
Comme un lion captif qui secouerait sa chaîne,
Aucun n’a tressailli sur sa base de chêne,
Et n’a, se réveillant par un subit effort,
Dit à son noir voisin : — Le roi de France est mort ! –
D’où vient qu’il s’est fermé sans vos salves funèbres,
Ce cercueil qu’on clouait là-bas dans les ténèbres ?
Et que rien n’est sorti de vos mornes affûts,
Pas même, ô canons sourds, ce murmure confus
Qu’au vague battement de ses ailes livides
Le vent des nuits arrache à des armures vides ?
C’est que, prostitués dans nos troubles civils,
Vous êtes comme nous fiers, sonores et vils !
C’est que, rouillés, vieillis, rivés à votre place,
Toujours agenouillés devant tout ce qui passe,
Retirés des combats, et dans ce coin obscur
Par des soldats boiteux gardés sous un vieux mur,
Vains foudres de parade oubliés de l’armée,
Autour de tout vainqueur faisant de la fumée,
Réservés pour la pompe et la solennité,
Vous avez pris racine en cette lâcheté !
Soyez flétris ! canons que la guerre repousse,
Dont la voix sans terreur dans les fêtes s’émousse,
Vous qui glorifiez de votre cri profond
Ceux qui viennent, toujours, jamais ceux qui s’en vont !
Vous qui, depuis trente ans, noirs courtisans de bronze,
Avez, comme Henri quatre adorant Louis onze,
Toujours tout applaudi, toujours tout salué,
Vous taisant seulement quand le peuple a hué !
Lâches, vous préférez ceux que le sort préfère !
Dans le moule brûlant le fondeur pour vous faire
Mit l’étain et le cuivre et l’oubli du vaincu ;
Car qui meurt exilé pour vous n’a pas vécu ;
Car vos poumons de fer, où gronde une âpre haleine,
Sont muets pour Goritz comme pour Sainte-Hélène !