Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/152

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WALLER, à Thurloë.
Ne point importuner son altesse est ma loi.
Cependant…
Ils parlent avec une volubilité extrême et presque tous ensemble. Thurloë paraît faire des efforts inutiles pour se faire entendre et se délivrer de leur importunité.

CARR, d’une voix éclatante et les yeux fixés à la voûte.
Voilà donc la nouvelle Sodome !
Tous se retournent avec surprise, et attachent leurs regards sur Carr, qui demeure immobile, les bras croisés sur sa poitrine.

SIR WILLIAM MURRAY.
Mais quel est cet étrange animal ?
CARR, avec gravité.
C’est un homme.
Je conçois qu’il apporte un visage inconnu

Dans cet antre, où Baal montre sa face à nu,
Où l’on ne voit que loups, histrions, faux prophètes.
Ivrognes, éperviers, dragons à mille têtes.
Serpents ailés, vautours, jureurs du nom de Dieu,
Et basilics portant pour queue un dard de feu !

WALLER, riant.
Si ce sont nos portraits, grand merci, monsieur l’homme !
CARR, s’animant.
Convives de Satan ! la cendre est dans la pomme ;

Mangez ! — Le peuple est mort, vampires d’Israël ;
Mangez sa chair, la chair des saints élus du ciel,
La chair des forts, la chair des officiers de guerre,
La chair des chevaux !

WALLER, riant plus fort.
Bon ! le mets n’est pas vulgaire.
Ainsi nous avons tous cet honneur sans rival
D’être des basilics qui mangent du cheval !
Rire général parmi les courtisans.