Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/158

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CROMWELL.
Expliquez-vous.
CARR.

Il s’assied dans le grand fauteuil.
Écoute : un noir complot s’apprête… —
À Cromwell, qui est resté debout et découvert, en lui montrant la sellette de Thurloë.
Assieds-toi, Cromwell. Mets ton chapeau sur ta tête.
Cromwell hésite un moment avec dépit, puis se couvre et s’assied sur l’escabelle.
Surtout, n’interromps pas !
CROMWELL, à part.
Tous ces airs-là, mon cher,
Dans tout autre moment, tu me les paîrais cher!
CARR, avec une douceur grave.

Quoiqu’Olivier Cromwell ne compte point ses crimes ;
Qu’il n’ait pas un remords, certes, par cent victimes ;
Que sans cesse il enchaîne, en ses jours pleins d’horreurs,
L’hypocrisie au schisme, et la ruse aux fureurs...

CROMWELL, se levant indigné.
Monsieur !...
CARR.
Tu m’interromps ! —
Cromwell se rassied d’un air de résignation forcée. Carr poursuit.
Quoiqu’Olivier habite
Dans la terre d’Égypte avec le moabite.

Le babylonien, le payen, l’arien ;
Qu’il fasse pour soi tout, et pour Israël rien ;
Qu’il repousse les saints, se livrant sans limite
Au peuple amalécite, ammonite, édomite ;
Qu’il adore Dagon, Astaroth, Élimi ;
Et que l’ancien serpent soit son meilleur ami ;
Quoiqu’enfin, du Seigneur méritant la colère,
Il ait brisé du pied le vieux droit populaire.
Chassé le parlement que Sion convoqua,
Et qu’aux frères du Christ sa bouche ait dit Raca !
Malgré tant de forfaits, pourtant je ne puis croire
Qu’il ait le cœur si dur, qu’il ait l’âme si noire.