Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/163

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CARR, lentement et recueillant ses souvenirs.
Sedley… —
CROMWELL, écrivant.
Bon !

CARR.
Drogheda, — Roseberry, — Clifford... —

CROMWELL, continuant d’écrire.
Libertins !
Il s’approche de Carr avec un redoublement de douceur et de séduction.
— Et les chefs populaires ?

CARR, reculant indigné.
Arrête !
Moi, te livrer nos saints, les yeux de notre tête !

Non, quand tu m’offrirais dix mille sicles d’or,
Comme le roi Saül à la femme d’Endor ;
Non, quand tu donnerais cet ordre à quelque eunuque
D’essayer le tranchant d’un sabre sur ma nuque ;
Non, quand tu m’enverrais, pour mes rébellions.
Ainsi que Daniel, dans la fosse aux lions ;
Non, quand tu ferais luire un brasier de bitume,
Horrible, et sept fois plus ardent que de coutume ;
Qu’après Ananias je verrais à mon tour
La flamme autour de moi grandir comme une tour.
Et, dorant les maisons d’un vil peuple inondées.
Dépasser le bûcher de trente-neuf coudées !

CROMWELL.
Calme-toi.
CARR.
Non, jamais ! quand tu me donnerais
Les champs qui sont dans Thèbe et ceux qui sont auprès.

Le Tigre et le Liban, Tyr aux portes dorées,
Ecbatane, bâtie en pierres bien carrées,
Mille bœufs, le limon du Nil égyptien.
Quelque trône, et tout l’art de ce magicien
Qui faisait en chantant sortir le feu de l’onde.
Et d’un coup de sifflet venir des bouts du monde.