Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/167

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Mais il n’est dans Juda, dans Gad, dans Issachar,
Personne qu’elle accable autant que moi, cher Carr.
Je hais ces vanités, à fuir aux catacombes.
Mots rendant un son creux comme le mur des tombes,
Trône, sceptre, honneurs vains que Charles nous légua,
Faux dieux, qui ne sont point l’alpha ni l’oméga !
Pourtant je ne dois pas sur ce peuple que j’aime
Rejeter brusquement l’autorité suprême.
Avant l’heure où viendront régner dans nos hameaux
Les vingt-quatre vieillards et les quatre animaux.
Va donc trouver Saint-John, Selden, jurisconsultes.
Juges en fait de lois, docteurs en fait de cultes.
Dis-leur de faire un plan pour le gouvernement.
Qui me permette enfin d’en sortir promptement. —
Es-tu content ?

CARR, hochant la tête.
Pas trop. Ces docteurs qu’on invoque
Ne rendent bien souvent qu’un oracle équivoque.

Mais je ne veux pas, moi, te laisser à demi
Satisfait.

CROMWELL, avec avidité.
Dis-moi donc quel est l’autre ennemi.
Quel est son nom ?
CARR.
Richard Cromwell.

CROMWELL, douloureusement.
Mon fils !

CARR, imperturbable.
Lui-même.
Es-tu content, Cromwell ?
CROMWELL, absorbé dans une stupeur profonde.
Le vice et le blasphème
L’ont jusqu’au parricide amené lentement. —

Le juif avait raison ! — Céleste châtiment !
J’assassinai mon roi ; mon fils tuera son père !