Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/182

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CROMWELL.
Couvrons-les d’un filet ; suivons-les à la piste ;

D’une chaîne invisible environnons leurs pas.
Aveuglons-les : veillons ; — ils n’échapperont pas !

LORD ROCHESTER.
Il proscrit à la fois Cromwell et sa famille.
CROMWELL.
Qu’ils meurent tous !
LORD ROCHESTER.
Quoi tous ? Ah ! grâce pour sa fille !

CROMWELL, dans une sombre rêverie.
Que veux-tu donc, Cromwell ? Dis ? un trône ! À quoi bon ?

Te nommes-tu Stuart ? Plantagenet ? Bourbon ?
Es-tu de ces mortels qui, grâce à leurs ancêtres,
Tout enfants, pour la terre ont eu des yeux de maîtres ?
Quel sceptre, heureux soldat, sous ton poids ne se rompt ?
Quelle couronne est faite à l’ampleur de ton front ?
Toi, roi, fils du hasard ! chez les races futures
Ton règne compterait parmi tes aventures ! —
Ta maison, — dynastie !

LORD ROCHESTER.
Il est décidément
Pour le droit des Stuarts !
CROMWELL, poursuivant.
Un roi de parlement !
Pour degrés sous tes pas les corps de tes victimes !

Est-ce ainsi que l’on monte aux trônes légitimes ? —
Quoi ! n’es-tu donc point las pour avoir tant marché,
Cromwell ? le sceptre a t-il quelque charme caché ?
Vois. — L’univers entier sous ton pouvoir repose ;
Tu le tiens dans ta main, et c’est bien peu de chose.
Le char de ta fortune, où tu fondes tes droits.
Roule, et d’un sang royal éclabousse les rois !
Quoi ! puissant dans la paix, triomphant dans la guerre,
Tout n’est rien sans le trône ! — Ambition vulgaire !