Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/281

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Ayant considéré qu’il est d’usage antique
De clore par un roi tout débat domestique.
Que Dieu même, à son peuple ayant donné ses lois,
Changea la chaire en trône et les Juges en Rois ; —
Ouï les orateurs présentés pour et contre ; —
À mylord Protecteur le parlement remontre
Qu’il faut pour chef au peuple un seul individu,
À qui des anciens rois le titre soit rendu.
Et supplie Olivier, Protecteur d’Angleterre,
D’accepter la couronne, à titre héréditaire. —

L’ORATEUR DU PARLEMENT, à Cromwell.
Je demande, mylord, la parole.
CROMWELL.
Parlez.

L’ORATEUR.
Mylord ! — dans tous les temps, récents ou reculés,

Des rois ont gouverné les nations du monde.
Le livre primitif, où la sagesse abonde.
Partout en mots exprès dit : Reges gentium.
On voit, en méditant Gabaon, Actium,
Que, lorsqu’au sein d’un peuple une lutte s’élève.
C’est un nœud gordien que toujours tranche un glaive.
Ce glaive devient sceptre, et démontre à la foi
Que toute question se résout par un roi.
Je sais que de grands clercs adoptent pour système
Qu’assisté de ses saints, Christ peut régner lui-même ;
Mais le régulateur des destins éternels
N’est pas un roi visible à des peuples charnels ;
Il faut des rois de chair aux terrestres royaumes ;
Rex substantialis, disent les axiomes.
Voilà des arguments qu’on ne saurait nier. —
L’état de république est de tous le dernier.
Il faut que sur un roi le peuple se repose ;
Car le peuple est pareil, mylord, quoi qu’on suppose,
Au héron qui ne peut dormir que sur un pied.
Or le héron qui dort, est-il estropié ?
Le peuple est ce héron. Venge-t-il ses querelles,
Il a pour bec l’armée, et les chambres pour ailes.
Mais quand la barque enfin se rattache à l’anneau.
Qu’il dorme sur un pied ! Stans pede in uno.