Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/354

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CROMWELL.
Aux lieux même où réside
Le Protecteur ?…
LORD ORMOND.
Cromwell, dis donc le régicide.

CROMWELL.
Régicide ! — toujours. C’est leur mot ! leur raison,

Jetée à tout propos, mise en toute saison !
L’ai-je donc mérité, ce nom de régicide ?
Ces peuples repoussaient un illégal subside ;
Je fus sévère et pur, Charles fut imprudent.
Sa chute fut un bien, sa mort un accident.
Il avait des vertus, je les vénère. En somme,
J’ai dû frapper le roi, tout en priant pour l’homme.

LORD ORMOND.
Hypocrite ! va-t’en. Tu ne me trompes point.
CROMWELL.
Nous différons d’avis, je le vois, sur ce point.
LORD ORMOND.
Auprès de Ravaillac ta place est réservée !
CROMWELL.
Ton âme par la haine est trop loin enlevée,

Vieillard ! tes cheveux gris devraient mieux t’inspirer.
Cromwell un Ravaillac ! Peux-tu bien comparer
La main qui meut le monde à cette main vulgaire.
Et la hache d’un peuple au couteau d’un sicaire ?
On vient au même point de l’enfer et du ciel ;
Le sang souillait Caïn et parait Samuel.

LORD ORMOND.
Hé bien ! ce Ravaillac, d’exécrable mémoire,

N’a-t-il pas ce qu’il faut pour partager ta gloire ?
Comme toi, d’un roi juste il causa le trépas ;
Que lui manque-t-il donc ?