Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/424

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Ayez pitié de moi, frères, loin d’envier
Votre vieux général, votre vieil Olivier.
Je sens mon bras faiblir, et ma fin est prochaine.
Depuis assez longtemps suis-je pas à la chaîne ?
Je suis vieux, je suis las, je demande merci.
N’est-il pas temps qu’enfin je me repose aussi ?
Chaque jour j’en appelle à la bonté divine,
Et devant le Seigneur je frappe ma poitrine.
Que je veuille être roi ! Si frêle, et tant d’orgueil !
Ce projet, et j’en jure à côté du cercueil,
Il m’est plus étranger, frères, que la lumière
Du soleil à l’enfant dans le sein de sa mère !
Loin ce nouveau pouvoir à mes vœux présenté !
Je n’en accepte rien, — rien que l’hérédité.
Encor vais-je appeler, pour qu’en mon âme il lise.
Un théologien, lumière de l’église.
J’en consulterai deux sur ce point, s’il le faut.
De votre liberté je dois compte au Très-Haut,
Et je veux, de sa loi faisant ma loi suprême.

Accomplir ce que dit le psaume cent dixième.
Les acclamations et les applaudissements font irruption de toutes parts. — Peuple et soldats, dont la harangue de Cromwell a peu à peu dissipé l’hostilité, laissent éclater leur enthousiasme. Stupeur dans le parlement et dans le cortège du Protecteur. — Cromwell se redresse et fait un geste d’empire à la foule, qui se tait.
Sur ce, nous prions Dieu, d’un cœur humble et soumis,

Qu’il vous ait en sa sainte et digne garde, amis.
Nous vous avons montré notre âme tout entière,
Vous demandant pardon, pour dernière prière,

D’avoir, un jour si chaud, fait un discours si long.
Il se rassied. — Les transports et les acclamations du peuple éclatent de nouveau avec fureur. Les conjurés puritains déconcertés gardent un sombre silence et jettent leurs poignards.

OVERTON, bas à Garland.
Il mourra dans son lit !
GARLAND, bas.
Ils le veulent, ils l’ont !

LA FOULE.
Huzza !
WILDMAN, bas.
Voilà pourtant qu’il est héréditaire !
Escamoteur !