Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/446

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Et dans ce peuple vil je marche avec fierté,
Seul vestige vivant de leur autorité.
Pin foudroyé, j’étale au fond du précipice
De mon front abattu l’auguste cicatrice.
Tu veux briser mes fers de force ! — Anglais, voyez
Quel effréné tyran vous foule sous ses pieds !
Va, je préfère encor, moi Carr, moi qui te brave,
Le carcan du captif au collier de l’esclave.
Que dis-je ? J’aime mieux mon sort que ton destin,
Ma tour, que ton palais encombré de butin ;
Je ne donnerais pas ma peine pour ton crime,
Pour ton sceptre usurpé ma chaîne légitime !
Car, tous deux criminels, Dieu, quand nous serons morts,
Comptera tes forfaits, pèsera mes remords. —
Rouvre-moi ma prison ! — Ou si tu me veux libre,
— Absolument, — remets l’état en équilibre,
Rends-nous le parlement. Ensuite, nous verrons. —
Tu viendras avec moi ; tous deux courbant nos fronts,
Tous deux ceints d’une corde, et nous souillant la face,
Nous irons à sa barre implorer notre grâce.
Cromwell, en attendant ce jour tant souhaité.

Rends-moi mes fers ; respecte au moins ma liberté.
Éclats de rire dans l’auditoire.
— Fais donc taire ta meute ! — En mon cachot, peut-être

Je suis le seul anglais dont tu ne sois pas maître ;
Oui, le seul libre ! — Là, je te maudis, Cromwell ;
Là, tous deux je nous offre en holocauste au ciel.
Ma prison ! À l’enfreindre en vain tu me condamnes.
Ma prison ! Et, s’il faut citer des lois profanes
Et des textes mondains à vos cœurs corrompus.
J’y retourne, en vertu de l’habeas corpus.

CROMWELL.
À votre aise ! — Il invoque un bill que rien n’abroge.
TRICK, dans la tribune des fous.
Sa prison ! il se trompe, il veut dire sa loge.
Carr sort fièrement au milieu des huées du peuple.

SYNDERCOMB, bas à Garland.
Carr est le seul de nous qui soit homme.