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LE LABEUR

disloquées qui la retenaient, la traîner hors du défilé, à l’aide de la marée descendante poussant le bas pendant que Gilliatt tirait le haut, enfin, rattacher à grand’peine avec le grelin cette pesante plaque de planches et de poutres, plus large que l’entrée même du défilé, aux clous enfoncés dans la base de la petite Douvre, l’observateur eût peut-être moins compris encore, et se fût dit que si Gilliatt voulait, pour l’aisance de ses manœuvres, dégager la ruelle des Douvres de cet encombrement, il n’avait qu’à le laisser tomber dans la marée qui l’eût emporté à vau-l’eau.

Gilliatt probablement avait ses raisons.

Gilliatt, pour fixer les clous dans le soubassement des Douvres, tirait parti de toutes les fentes du granit, les élargissait au besoin, et y enfonçait d’abord des coins de bois dans lesquels il enracinait ensuite les clous de fer. Il ébaucha la même préparation dans les deux roches qui se dressaient à l’autre extrémité du détroit de l’écueil, du côté de l’est ; il en garnit de chevilles de bois toutes les lézardes, comme s’il voulait tenir ces lézardes prêtes à recevoir, elles aussi, des crampons ; mais cela parut être un simple en-cas, car il n’y enfonça point de clous. On comprend que, par prudence dans sa pénurie, il ne pouvait dépenser ses matériaux qu’au fur et à mesure des besoins, et au moment où la nécessité se déclarait. C’était une complication ajoutée à tant d’autres difficultés.

Un premier travail achevé, un deuxième surgissait.

Gilliatt passait sans hésiter de l’un à l’autre et faisait résolument cette enjambée de géant.