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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

Quand la tempête vernale ou automnale tarde, c’est qu’elle fait un plus gros amas. Elle thésaurise pour le ravage. Méfiez-vous des arrérages. Ango disait : La mer est bonne payeuse. Quand l’attente est trop longue, la mer ne trahit son impatience que par plus de calme. Seulement la tension magnétique se manifeste par ce qu’on pourrait nommer l’inflammation de l’eau. Des lueurs sortent de la vague. Air électrique, eau phosphorique. Les matelots se sentent harassés. Cette minute est particulièrement périlleuse pour les iron-clads ; leur coque de fer peut produire de fausses indications du compas, et les perdre. Le steamer transatlantique l’Yowa a péri ainsi.

Pour ceux qui sont en familiarité avec la mer, son aspect, dans ces instants-là, est étrange ; on dirait qu’elle désire et craint le cyclone. De certains hyménées, d’ailleurs fort voulus par la nature, sont accueillis de cette façon. La lionne en rut fuit devant le lion. La mer, elle aussi, est en chaleur. De là son tremblement.

L’immense mariage va se faire.

Ce mariage, comme les noces des anciens empereurs, se célèbre par des exterminations. C’est une fête avec assaisonnement de désastres.

Cependant, de là-bas, du large, des latitudes inexpugnables, du livide horizon des solitudes, du fond de la liberté sans bornes, les vents arrivent.

Faites attention, voilà le fait équinoxial.

Une tempête, cela se complote. La vieille mythologie entrevoyait ces personnalités indistinctes mêlées à la grande nature diffuse. Éole se concerte avec Borée. L’entente de