Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome II (1892).djvu/190

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
182
LES TRAVAILLEURS DE LA MER

sautaient par-dessus la ruine du brise-lames. Elles retombaient dans le défilé, et, en dépit des coudes que faisait la ruelle, elles y soulevaient l’eau. Le flot du détroit commençait à remuer fâcheusement. Le baiser obscur des vagues aux rochers s’accentuait.

Comment empêcher à présent cette agitation de se propager jusqu’à la panse ?

Il ne faudrait pas beaucoup de temps à ces rafales pour mettre toute l’eau intérieure en tempête, et, en quelques coups de mer, la panse serait éventrée, et la machine coulée.

Gilliatt songeait, frémissant.

Mais il ne se déconcertait point. Pas de déroute possible pour cette âme.

L’ouragan maintenant avait trouvé le joint et s’engouffrait frénétiquement entre les deux murailles du détroit.

Tout à coup retentit et se prolongea dans le défilé, à quelque distance en arrière de Gilliatt, un craquement, plus effrayant que tout ce que Gilliatt avait encore entendu.

C’était du côté de la panse.

Quelque chose de funeste se passait là.

Gilliatt y courut.

Du goulet de l’est, où il était, il ne pouvait voir la panse à cause des zigzags de la ruelle. Au dernier tournant il s’arrêta, et attendit un éclair.

L’éclair arriva et lui montra la situation.

Au coup de mer sur le goulet de l’est avait répondu un coup de vent sur le goulet de l’ouest. Un désastre s’y ébauchait.

La panse n’avait point d’avarie visible ; affourchée comme