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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

Ses vêtements étaient trempés par l’orage, mais l’eau de pluie avait lavé l’eau de mer, ce qui fait que maintenant ils pouvaient sécher.

Gilliatt ne garda que son pantalon, qu’il releva jusqu’aux jarrets.

Il étendit çà et là et fixa avec des galets sur les saillies de rocher autour de lui sa chemise, sa vareuse, son suroît, ses jambières et sa peau de mouton.

Puis il pensa à manger.

Gilliatt eut recours à son couteau qu’il avait grand soin d’aiguiser et de tenir toujours en état, et il détacha du granit quelques poux de roque, de la même espèce à peu près que les clovisses de la Méditerranée. On sait que cela se mange cru. Mais, après tant de labeurs si divers et si rudes, la pitance était maigre. Il n’avait plus de biscuit. Quant à l’eau, elle ne lui manquait plus. Il était mieux que désaltéré, il était inondé.

Il profita de ce que la mer baissait pour rôder dans les rochers à la recherche des langoustes. Il y avait assez de découverte pour espérer une bonne chasse.

Seulement il ne réfléchissait pas qu’il ne pouvait plus rien faire cuire. S’il eût pris le temps d’aller jusqu’à son magasin, il l’eût trouvé effondré sous la pluie. Son bois et son charbon étaient noyés, et de sa provision d’étoupe, qui lui tenait lieu d’amadou, il n’y avait pas un brin qui ne fût mouillé. Nul moyen d’allumer du feu. Du reste la soufflante était désorganisée ; l’auvent du foyer de la forge était descellé ; l’orage avait fait le sac du laboratoire. Avec ce qui restait d’outils échappés à l’avarie,