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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

rochers, aligné à angles brisés derrière les Douvres, fît plusieurs coudes, Gilliatt put étudier le plan géométral de l’écueil.

Ce fut par cette reconnaissance qu’il commença.

Les Douvres, ainsi que nous l’avons indiqué déjà, étaient comme deux hauts pignons marquant l’entrée étroite d’une ruelle de petites falaises granitiques à devantures perpendiculaires. Il n’est point rare de trouver, dans les formations sous-marines primitives, de ces corridors singuliers qui semblent coupés à la hache.

Ce défilé, fort tortueux, n’était jamais à sec, même dans les basses mers. Un courant très secoué le traversait toujours de part en part. La brusquerie des tournants était, selon le rumb de vent régnant, bonne ou mauvaise ; tantôt elle déconcertait la houle et la faisait tomber ; tantôt elle l’exaspérait. Ce dernier cas était le plus fréquent ; l’obstacle met le flot en colère et le pousse aux excès ; l’écume est l’exagération de la vague.

Le vent d’orage, dans ces étranglements entre deux roches, subit la même compression et acquiert la même malignité. C’est la tempête à l’état de strangurie. L’immense souffle reste immense et se fait aigu. Il est massue et dard. Il perce en même temps qu’il écrase. Qu’on se figure l’ouragan devenu vent coulis.

Les deux chaînes de rochers, laissant entre elles cette espèce de rue de la mer, s’étageaient plus bas que les Douvres en hauteurs graduellement décroissantes et s’enfonçaient ensemble dans le flot à une certaine distance. Il y avait là un autre goulet, moins élevé que le goulet des