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L’ÉCUEIL

Douvres, mais plus étroit encore, et qui était l’entrée est du défilé. On devinait que le double prolongement des deux arêtes de roches continuait la rue sous l’eau jusqu’au rocher l’Homme placé comme une citadelle carrée à l’autre extrémité de l’écueil.

Du reste, à mer basse, et c’était l’instant où Gilliatt observait, ces deux rangées de bas-fonds montraient leurs affleurements, quelques-uns à sec, tous visibles, et se coordonnant sans interruption.

L’Homme bornait et arc-boutait au levant la masse entière de l’écueil contrebutée au couchant par les deux Douvres.

Tout l’écueil, vu à vol d’oiseau, offrait un chapelet serpentant de brisants ayant à un bout les Douvres et à l’autre bout l’Homme.

L’écueil Douvres, pris dans son ensemble, n’était autre chose que l’émergement de deux gigantesques lames de granit se touchant presque et sortant verticalement, comme une crête, des cimes qui sont au fond de l’océan. Il y a hors de l’abîme de ces exfoliations immenses. La rafale et la houle avaient déchiqueté cette crête en scie. On n’en voyait que le haut ; c’était l’écueil. Ce que le flot cachait devait être énorme. La ruelle, où l’orage avait jeté la Durande, était l’entre-deux de ces lames colossales.

Cette ruelle, en zigzag comme l’éclair, avait à peu près sur tous les points la même largeur. L’océan l’avait ainsi faite. L’éternel tumulte dégage de ces régularités bizarres. Une géométrie sort de la vague.

D’un bout à l’autre du défilé, les deux murailles de