Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome II (1892).djvu/340

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
330
LES TRAVAILLEURS DE LA MER

linge. Vous trouverez à bord du Cashmere un coffre qui contient des objets pour femme. Ce coffre me vient de ma mère. Il était destiné à la femme que j’épouserais. Permettez-moi de vous l’offrir.

Déruchette se réveilla à demi de son rêve. Elle se tourna vers Gilliatt. Gilliatt, d’une voix basse et qu’on entendait à peine, continua :

— Maintenant, ce n’est pas pour vous retarder, mais voyez-vous, madame, je crois qu’il faut que je vous explique. Le jour qu’il y a eu ce malheur, vous étiez assise dans la salle basse, vous avez dit une parole. Vous ne vous souvenez pas, c’est tout simple. On n’est pas forcé de se souvenir de tous les mots qu’on dit. Mess Lethierry avait beaucoup de chagrin. Il est certain que c’était un bon bateau, et qui rendait des services. Le malheur de la mer était arrivé ; il y avait de l’émotion dans le pays. Ce sont là des choses, naturellement, qu’on a oubliées. Il n’y a pas eu que ce navire-là perdu dans les rochers. On ne peut pas penser toujours à un accident. Seulement ce que je voulais vous dire, c’est que, comme on disait personne n’ira, j’y suis allé. Ils disaient c’est impossible ; ce n’était pas cela qui était impossible. Je vous remercie de m’écouter un petit instant. Vous comprenez, madame, si je suis allé là, ce n’était pas pour vous offenser. D’ailleurs la chose date de très loin. Je sais que vous êtes pressée. Si on avait le temps, si on parlait, on se souviendrait, mais cela ne sert à rien. La chose remonte à un jour où il y avait de la neige. Et puis une fois que je passais, j’ai cru que vous aviez souri. C’est comme ça que ça s’explique. Quant à hier, je n’avais