Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome II (1892).djvu/346

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
336
LES TRAVAILLEURS DE LA MER

gnificences microscopiques étaient à leur plan dans la vaste beauté universelle, on distinguait tout comme dans une eau limpide. Partout une divine plénitude et un gonflement mystérieux faisaient deviner l’effort panique et sacré de la sève en travail. Qui brillait, brillait plus ; qui aimait, aimait mieux. Il y avait de l’hymne dans la fleur et du rayonnement dans le bruit. La grande harmonie diffuse s’épanouissait. Ce qui commence à poindre provoquait ce qui commence à sourdre. Un trouble, qui venait d’en bas, et qui venait aussi d’en haut, remuait vaguement les cœurs, corruptibles à l’influence éparse et souterraine des germes. La fleur promettait obscurément le fruit, toute vierge songeait, la reproduction des êtres, préméditée par l’immense âme de l’ombre, s’ébauchait dans l’irradiation des choses. On se fiançait partout. On s’épousait sans fin. La vie, qui est la femelle, s’accouplait avec l’infini, qui est le mâle. Il faisait beau, il faisait clair, il faisait chaud ; à travers les haies, dans les enclos, on voyait rire les enfants. Quelques-uns jouaient aux mérelles. Les pommiers, les pêchers, les cerisiers, les poiriers, couvraient les vergers de leurs grosses touffes pâles ou vermeilles. Dans l’herbe, primevères, pervenches, achillées, marguerites, amaryllis, jacinthes, et les violettes, et les véroniques. Les bourraches bleues, les iris jaunes, pullulaient, avec ces belles petites étoiles roses qui fleurissent toujours en troupe et qu’on appelle pour cela « les compagnons ». Des bêtes toutes dorées couraient entre les pierres. Les joubarbes en floraison empourpraient les toits de chaume. Les travailleuses des ruches étaient dehors. L’abeille était à la besogne. L’étendue était pleine