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LE LABEUR

dévidait le câble unique, complétaient l’appareil et, au besoin, l’enrayaient. Cette combinaison contraignait les quatre palans à travailler ensemble, et, véritable frein des forces pendantes, gouvernail de dynamique sous la main du pilote de l’opération, maintenait la manœuvre en équilibre. L’ajustement très ingénieux de ce palanguin avait quelques-unes des qualités simplifiantes de la poulie Weston d’aujourd’hui, et de l’antique polyspaston de Vitruve. Gilliatt avait trouvé cela, bien qu’il ne connût ni Vitruve, qui n’existait plus, ni Weston, qui n’existait pas encore. La longueur des câbles variait selon l’inégale déclivité des madriers, et corrigeait un peu cette inégalité. Les cordes étaient dangereuses, le funin blanc pouvait casser, il eût mieux valu des chaînes, mais des chaînes eussent mal roulé sur les palans.

Tout cela, plein de fautes, mais fait par un seul homme, était surprenant.

Du reste, nous abrégeons l’explication. On comprendra que nous omettions beaucoup de détails qui rendraient la chose claire aux gens du métier et obscure aux autres.

Le haut de la cheminée de la machine passait entre les deux madriers du milieu.

Gilliatt, sans s’en douter, plagiaire inconscient de l’inconnu, avait refait, à trois siècles de distance, le mécanisme du charpentier de Salbris, mécanisme rudimentaire et incorrect, redoutable à qui oserait le manœuvrer.

Disons ici que les fautes même les plus grossières n’empêchent point un mécanisme de fonctionner tant bien que mal. Cela boite, mais cela marche. L’obélisque de la place de saint-Pierre de Rome a été dressé contre toutes les