Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome I (1891).djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
LES TRAVAILLEURS DE LA MER

Rien n’est moins rare qu’un sorcier à Guernesey. Ils exercent leur profession dans certaines paroisses, et le dix-neuvième siècle n’y fait rien. Ils ont des pratiques véritablement criminelles. Ils font bouillir de l’or. Ils cueillent des herbes à minuit. Ils regardent de travers les bestiaux des gens. On les consulte ; ils se font apporter dans des bouteilles de « l’eau des malades », et on les entend dire à demi-voix : L’eau paraît bien triste. L’un d’eux un jour, en mars 1856, a constaté dans « l’eau » d’un malade sept diables. Ils sont redoutés et redoutables. Un d’eux a récemment ensorcelé un boulanger « ainsi que son four ». Un autre a la scélératesse de cacheter et sceller avec le plus grand soin des enveloppes « où il n’y a rien dedans ». Un autre va jusqu’à avoir dans sa maison sur une planche trois bouteilles étiquetées B. Ces faits monstrueux sont constatés. Quelques sorciers sont complaisants, et, pour deux ou trois guinées, prennent vos maladies. Alors ils se roulent sur leur lit en poussant des cris. Pendant qu’ils se tordent, vous dites : Tiens, je n’ai plus rien. D’autres vous guérissent de tous les maux en vous nouant un mouchoir autour du corps. Moyen si simple qu’on s’étonne que personne ne s’en soit encore avisé. Au siècle dernier la cour royale de Guernesey les mettait sur un tas de fagots, et les brûlait vifs. De nos jours elle les condamne à huit semaines de prison, quatre semaines au pain et à l’eau, et quatre semaines au secret, alternant. Amant alterna catenœ.

Le dernier brûlement de sorciers à Guernesey a eu lieu en 1747. La ville avait utilisé pour cela une de ses places, le carrefour du Bordage. Le carrefour du Bordage a vu