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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

l’éprouver, et peut-être aussi pour lui faire une avance, car il y a des femmes qui épouseraient le diable riche, une fille dit à Gilliatt : Quand donc prendrez-vous femme ? Il répondit : Je prendrai femme quand la Roque qui Chante prendra homme.

Cette Roque qui Chante est une grande pierre plantée droite dans un courtil proche monsieur Lemézurier de Fry. Cette pierre est fort à surveiller. On ne sait ce qu’elle fait là. On y entend chanter un coq qu’on ne voit pas, chose extrêmement désagréable. Ensuite il est avéré qu’elle a été mise dans ce courtil par les sarregousets, qui sont la même chose que les sins.

La nuit, quand il tonne, si l’on voit des hommes voler dans le rouge des nuées et dans le tremblement de l’air, ce sont les sarregousets. Une femme, qui demeure au Grand-Mielles, les connaît. Un soir qu’il y avait des sarregousets dans un carrefour, cette femme cria à un charretier qui ne savait quelle route prendre : Demandez-leur votre chemin ; c’est des gens bien faisants, c’est des gens bien civils à deviser au monde. Il y a gros à parier que cette femme est une sorcière.

Le judicieux et savant roi Jacques Ier faisait bouillir toutes vives les femmes de cette espèce, goûtait le bouillon, au goût du bouillon, disait : C’était une sorcière, ou Ce n’en était pas une.

Il est à regretter que les rois d’aujourd’hui n’aient plus de ces talents-là, qui faisaient comprendre l’utilité de l’institution.

Gilliatt, non sans de sérieux motifs, vivait en odeur de