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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

quarante ans ferait sourire nos constructeurs actuels. Cette merveille était difforme ; ce prodige était infirme.

De nos grands steamers transatlantiques d’à présent au bateau à roues et à feu que Denis Papin fit manœuvrer sur la fulde en 1707, il n’y a pas moins de distance que du vaisseau à trois ponts le Montebello, long de deux cents pieds, large de cinquante, ayant une grande vergue de cent quinze pieds, déplaçant un poids de trois mille tonneaux, portant onze cents hommes, cent vingt canons, dix mille boulets et cent soixante paquets de mitraille, vomissant à chaque bordée, quand il combat, trois mille trois cents livres de fer, et déployant au vent, quand il marche, cinq mille six cents mètres carrés de toile, au dromon danois du deuxième siècle, trouvé plein de haches de pierre, d’arcs et de massues, dans les boues marines de Wester-Satrup, et déposé à l’hôtel de ville de Flensbourg.

Cent ans juste d’intervalle, 1707-1807, séparent le premier bateau de Papin du premier bateau de Fulton. La « galiote à Lethierry » était, à coup sûr, un progrès sur ces deux ébauches, mais était une ébauche elle-même. Cela ne l’empêchait pas d’être un chef-d’œuvre. Tout embryon de la science offre ce double aspect : monstre comme fœtus ; merveille comme germe.