Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome I (1891).djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
180
LES TRAVAILLEURS DE LA MER

avait le craquement d’une chose informe. Elle faisait, en roulant sur la vague, un bruit de semelle neuve.

Ce navire était surtout un récipient, et, comme tout bâtiment plutôt armé en marchandise qu’en guerre, il était exclusivement disposé pour l’arrimage. Il admettait peu de passagers. Le transport du bétail rendait l’arrimage difficile et très particulier. On arrimait alors les bœufs dans la cale, ce qui était une complication. Aujourd’hui on les arrime sur l’avant-pont. Les tambours du Devil-Boat Lethierry étaient peints en blanc, la coque, jusqu’à la ligne de flottaison, en couleur de feu, et tout le reste du navire, selon la mode assez laide de ce siècle, en noir.

Vide, il calait sept pieds, et, chargé, quatorze.

Quant à la machine, elle était puissante. La force était d’un cheval pour trois tonneaux, ce qui est presque une force de remorqueur. Les roues étaient bien placées, un peu en avant du centre de gravité du navire. La machine avait une pression maximum de deux atmosphères. Elle usait beaucoup de charbon, quoiqu’elle fût à condensation et à détente. Elle n’avait pas de volant à cause de l’instabilité du point d’appui, et elle y remédiait, comme on le fait encore aujourd’hui, par un double appareil faisant alterner deux manivelles fixées aux extrémités de l’arbre de rotation et disposées de manière à ce que l’une fût toujours à son point fort quand l’autre était à son point mort. Toute la machine reposait sur une seule plaque de fonte ; de sorte que, même dans un cas de grave avarie, aucun coup de mer ne lui ôtait l’équilibre et que la coque déformée ne pouvait déformer la machine. Pour rendre la machine plus solide encore, on