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DURANDE ET DÉRUCHETTE

était savamment ordonné ; elle y faisait succéder les épinards aux radis et les pois aux épinards ; elle savait semer des choux-fleurs de Hollande et des choux de Bruxelles qu’elle repiquait en juillet, des navets pour août, de la chicorée frisée pour septembre, des panais ronds pour l’automne, et de la raiponce pour l’hiver. Mess Lethierry la laissait faire, pourvu qu’elle ne maniât pas trop la bêche et le râteau et surtout qu’elle ne mît pas l’engrais elle-même. Il lui avait donné deux servantes, nommées l’une Grace et l’autre Douce, qui sont deux noms de Guernesey. Grace et Douce faisaient le service de la maison et du jardin, et elles avaient le droit d’avoir les mains rouges.

Quant à mess Lethierry, il avait pour chambre un petit réduit donnant sur le port, et attenant à la grande salle basse du rez-de-chaussée où était la porte d’entrée et où venaient aboutir les divers escaliers de la maison. Sa chambre était meublée de son branle, de son chronomètre et de sa pipe. Il y avait aussi une table et une chaise. Le plafond, à poutres, avait été blanchi au lait de chaux, ainsi que les quatre murs ; à droite de la porte était cloué l’archipel de la Manche, belle carte marine portant cette mention : W. Faden, 5, charing Cross. Geographer to His Majesty ; et à gauche d’autres clous étalaient sur la muraille un de ces gros mouchoirs de coton où sont figurés en couleur les pavillons et les signaux de toute la marine du globe, ayant aux quatre coins les étendards de France, de Russie, d’Espagne et des États-Unis d’Amérique, et au centre l’Union-Jack d’Angleterre.

Douce et Grace étaient deux créatures quelconques, du bon côté du mot. Douce n’était pas méchante et Grace n’était