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LE REVOLVER

rendre service à tout le monde. Pas d’homme plus bourbonien, plus bonapartiste, plus absolutiste, plus libéral, plus athée, et plus catholique. Il était de ce grand parti qu’on pourrait nommer le parti lucratif. Il faisait de temps en temps en France des apparitions commerciales ; et, à en croire les ouï-dire, il donnait volontiers passage à son bord à des gens en fuite, banqueroutiers ou proscrits politiques, peu lui importait, payants. Son procédé d’embarquement était simple. Le fugitif attendait sur un point désert de la côte, et, au moment d’appareiller, Zuela détachait un canot qui l’allait prendre. Il avait ainsi, à son précédent voyage, fait évader un contumace du procès Berton, et cette fois il comptait, disait-on, emmener des hommes compromis dans l’affaire de la Bidassoa. La police, avertie, avait l’œil sur lui.

Ces temps étaient une époque de fuites. La restauration était une réaction ; or les révolutions amènent des émigrations, et les restaurations entraînent des proscriptions. Pendant les sept ou huit premières années après la rentrée des bourbons, la panique fut partout, dans la finance, dans l’industrie, dans le commerce, qui sentaient la terre trembler et où abondaient les faillites. Il y avait un sauve-qui-peut dans la politique. Lavalette avait pris la fuite, Lefebvre-Desnouettes avait pris la fuite, Delon avait pris la fuite. Les tribunaux d’exception sévissaient, plus Trestaillon. On fuyait le pont de Saumur, l’esplanade de la Réole, le mur de l’observatoire de Paris, la tour de Taurias d’Avignon, silhouettes lugubrement debout dans l’histoire, qu’a marquées la réaction, et où l’on distingue encore aujourd’hui cette main sanglante. À Londres le procès Thistlewood