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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

mugir le vent. La lucarne n’ayant pas de châssis, il avait cloué dessus un morceau de feuillard provenant d’une déchirure de navire. Cette tôle laissait passer peu de jour et beaucoup de froid. Le charbonnier payait d’un sac de charbon de temps en temps, le chiffonnier payait d’un setier de grain aux poules par semaine, le faiseur d’or ne payait pas. En attendant il brûlait la maison. Il avait arraché le peu qu’il y avait de boiserie, et à chaque instant il tirait du mur ou du toit une latte pour faire chauffer sa marmite à or. Sur la cloison, au-dessus du grabat du chiffonnier, on voyait deux colonnes de chiffres à la craie, tracées par le chiffonnier semaine à semaine, une colonne de 3 et une colonne de 5, selon que le setier de grain coûtait trois liards ou cinq centimes. La marmite à or du « chimiste » était une vieille bombe cassée, promue par lui chaudière, où il combinait des ingrédients. La transmutation l’absorbait. Quelquefois il en parlait dans la cour aux va-nu-pieds, qui en riaient. Il disait : Ces gens-là sont pleins de préjugés. Il était résolu à ne pas mourir sans jeter la pierre philosophale dans les vitres de la science. Son fourneau mangeait beaucoup de bois. La rampe de l’escalier y avait disparu. Toute la maison y passait, à petit feu. L’hôtesse lui disait : Vous ne me laisserez que la coque. Il la désarmait en lui faisant des vers. Telle était la Jacressarde.

Un enfant, qui était peut-être un nain, âgé de douze ans ou de soixante ans, goîtreux, ayant un balai à la main, était le domestique.

Les habitués entraient par la porte de la cour ; le public entrait par la boutique.