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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

teau de la falaise et la mer. Il ne remarquait pas que quelque chose y remuait. Il y avait dans cet escalier, derrière une anfractuosité, quelqu’un, un homme, caché là, selon toute apparence, avant l’arrivée du garde-côte. De temps en temps, dans l’ombre, une tête sortait de dessous la roche, regardait en haut, et guettait le guetteur. Cette tête, coiffée d’un large chapeau américain, était celle de l’homme, du quaker, qui, une dizaine de jours auparavant, parlait, dans les pierres du petit-bey, au capitaine Zuela.

Tout à coup l’attention du garde-côte parut redoubler. Il essuya rapidement du drap de sa manche le verre de sa longue-vue et la braqua avec énergie sur le trois-mâts.

Un point noir venait de s’en détacher.

Ce point noir, semblable à une fourmi sur la mer, était une embarcation.

L’embarcation semblait vouloir gagner la terre. Quelques marins la montaient, ramant vigoureusement.

Elle obliquait peu à peu et se dirigeait vers la pointe du Décollé.

Le guet du garde-côte était arrivé à son plus haut degré de fixité. Il ne perdait pas un mouvement de l’embarcation. Il s’était rapproché plus près encore de l’extrême bord de la falaise.

En ce moment un homme de haute stature, le quaker, surgit derrière le garde-côte au haut de l’escalier. Le guetteur ne le voyait pas.

Cet homme s’arrêta un instant, les bras pendants et les poings crispés, et, avec l’œil d’un chasseur qui vise, il regarda le dos du garde-côte.