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LE REVOLVER

Rantaine jeta un œil oblique sur le revolver.

— Comme vous dites, Rantaine. C’est une jolie pièce. Peut-être n’est-il chargé qu’à poudre. Mais qu’est-ce que cela fait ? Il suffit d’un coup de feu pour faire accourir la force armée. J’en ai six à tirer.

Le choc alternatif des rames devenait très distinct. Le canot n’était pas loin.

Le grand homme regardait le petit homme, étrangement. Sieur Clubin parlait d’une voix de plus en plus tranquille et douce.

— Rantaine, les hommes du canot qui va arriver, sachant ce que vous venez de faire ici tout à l’heure, prêteraient main-forte et aideraient à vous arrêter. Vous payez dix mille francs votre passage au capitaine Zuela. Par parenthèse, vous auriez eu meilleur marché avec les contrebandiers de Plainmont ; mais ils ne vous auraient mené qu’en Angleterre, et d’ailleurs vous ne pouvez risquer d’aller à Guernesey où l’on a l’honneur de vous connaître. Je reviens à la situation. Si je fais feu, on vous arrête. Vous payez à Zuela votre fugue dix mille francs. Vous lui avez donné cinq mille francs d’avance. Zuela garderait les cinq mille francs, et s’en irait. Voilà. Rantaine, vous êtes bien affublé. Ce chapeau, ce drôle d’habit et ces guêtres vous changent. Vous avez oublié les lunettes. Vous avez bien fait de laisser pousser vos favoris.

Rantaine fit un sourire assez semblable à un grincement. Clubin continua :

— Rantaine, vous avez une culotte américaine à gousset double. Dans l’un il y a votre montre. Gardez-la.