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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

On entendait ce mot : quel malheur ! Plusieurs visages souriaient.

Gilliatt n’interrogea personne. Il n’était pas dans sa nature de faire des questions. D’ailleurs il était trop ému pour parler à des indifférents. Il se défiait des récits, il aimait mieux tout savoir d’un coup ; il alla droit aux Bravées.

Son inquiétude était telle qu’il n’eut même pas peur d’entrer dans cette maison.

D’ailleurs la porte de la salle basse sur le quai était toute grande ouverte. Il y avait sur le seuil un fourmillement d’hommes et de femmes. Tout le monde entrait, il entra.

En entrant, il trouva contre le chambranle de la porte sieur Landoys qui lui dit à demi-voix :

— Vous savez sans doute à présent l’évènement ?

— Non.

— Je n’ai pas voulu vous crier ça dans la route. On a l’air d’un oiseau de malheur.

— Qu’est-ce ?

— La Durande est perdue.

Il y avait foule dans la salle.

Les groupes parlaient bas, comme dans la chambre d’un malade.

Les assistants, qui étaient les voisins, les passants, les curieux, les premiers venus, se tenaient entassés près de la porte avec une sorte de crainte, et laissaient vide le fond de la salle où l’on voyait, à côté de Déruchette en larmes, assise, mess Lethierry, debout.

Il était adossé à la cloison du fond. Son bonnet de matelot tombait sur ses sourcils. Une mèche de cheveux gris