Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome I (1891).djvu/43

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Channel’s Islands eût certainement frappé l’école mystique et mythique qui, sous la restauration, se rattachait à de Maistre par d’Eckstein, et lui eût fourni matière à un symbole : l’archipel d’Hellas arrondi, ore rotundo ; l’archipel de la Manche aigu, hérissé, hargneux, anguleux ; l’un pareil à l’harmonie, l’autre à la chicane ; ce n’est pas pour rien que l’un est grec et que l’autre est normand.

Jadis, avant les temps historiques, ces îles de la Manche étaient féroces. Les premiers insulaires étaient probablement de ces hommes primitifs dont le type se retrouve au Moulin-Guignon, et qui appartenaient à la race aux mâchoires rentrantes. Ils vivaient une moitié de l’année de poisson et de coquillages ; et l’autre moitié, d’épaves. Piller leur côte était leur ressource. Ils ne connaissaient que deux saisons, la saison de pêche et la saison de naufrage ; de même que les groënlandais qui appellent l’été la chasse aux rennes et l’hiver la chasse aux phoques. Toutes ces îles plus tard normandes, étaient des chardonnières, des ronceraies, des trous à bêtes, des logis de forbans. Un vieux chroniqueur local dit énergiquement : Ratières et piratières. Les romains y vinrent, et ne firent faire à la probité qu’un pas médiocre ; ils crucifiaient les pirates, et célébraient les Furinales, c’est-à-dire la fête des filous. Cette fête se célèbre encore dans quelques-uns de nos villages le 25 juillet, et dans nos villes toute l’année.

Jersey, Serk et Guernesey s’appelaient jadis Ange, Sarge et Bissarge. Aurigny est Redanœ, à moins que ce ne soit Thanet. Une légende affirme que dans l’île des Rats, insula rattorum, de la promiscuité des lapins mâles et des rats