Page:Hugo Hernani 1889.djvu/127

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Verse-moi dans le cœur, du fond de ce tombeau,
Quelque chose de grand, de sublime et de beau !
Oh ! par tous ses côtés fais-moi voir toute chose.
Montre-moi que le monde est petit, car je n’ose
Y toucher. Montre-moi que sur cette Babel
Qui du pâtre à César va montant jusqu’au ciel,
Chacun en son degré se complaît et s’admire,
Voit l’autre par-dessous et se retient d’en rire.
Apprends-moi tes secrets de vaincre et de régner,
Et dis-moi qu’il vaut mieux punir que pardonner !
— N’est-ce pas ? — S’il est vrai qu’en son lit solitaire
Parfois une grande ombre au bruit que fait la terre
S’éveille, et que soudain son tombeau large et clair
S’entr’ouvre, et dans la nuit jette au monde un éclair.
Si cette chose est vraie, empereur d’Allemagne,
Oh ! dis-moi ce qu’on peut faire après Charlemagne !
Parle ! dût en parlant ton souffle souverain
Me briser sur le front cette porte d’airain !
Ou plutôt, laisse-moi seul dans ton sanctuaire
Entrer, laisse-moi voir ta face mortuaire,
Ne me repousse pas d’un souffle d’aquilons,
Sur ton chevet de pierre accoude-toi. Parlons.
Oui, dusses-tu me dire, avec ta voix fatale,
De ces choses qui font l’œil sombre et le front pâle !
Parle, et n’aveugle pas ton fils épouvanté,
Car ta tombe sans doute est pleine de clarté !
Ou, si tu ne dis rien, laisse en ta paix profonde
Carlos étudier ta tête comme un monde ;
Laisse qu’il te mesure à loisir, ô géant.
Car rien n’est ici-bas si grand que ton néant !
Que la cendre, à défaut de l’ombre, me conseille !

Il approche la clef de la serrure.
Entrons.
Il recule.
Entrons.Dieu ! s’il allait me parler à l’oreille !

S’il était là, debout et marchant à pas lents !