Page:Hugo Rhin Hetzel tome 3.djvu/106

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deux ponts moisis, sous lesquels galope un joli torrent, l’Ergolz, qui descend de la montagne en écartant les branches des arbres ; un bruit de roues de moulins, des balcons de bois égayés de vignes, un vieux cimetière où j’ai remarqué en passant une tombe étrange du quatrième siècle et qui a l’air de s’écrouler dans le Rhin auquel il est adossé, voilà Augst, voilà Raurica, voilà Augusta. Le sol est bouleversé par les fouilles. On en tire un tas de petites statuettes de bronze dont la bibliothèque de Bâle se fait un petit dunkerque.

Une demi-lieue plus loin, sur l’autre rive du Rhin, ce joli ruban de vieilles maisons de bois, coupé par une cascade, c’est Warmbach. Et puis, après une autre demi-lieue d’arbres, de ravins et de prairies, le Rhin s’ouvre ; au milieu de l’eau s’accroupit un gros rocher couvert de ruines et rattaché aux deux rives par un pont couvert, bâti en bois, d’un aspect singulier. Une petite ville gothique, hérissée de tours, de créneaux et de clochers, descend en désordre vers ce pont ; c’est Rhinfelden, une cité militaire et religieuse, une des quatre villes forestières, un lieu célèbre et charmant. Cette ruine au milieu du Rhin, c’est l’ancien château, qu’on appelle la pierre de Rhinfelden. Sous ce pont de bois qui n’a qu’une arche, au delà du rocher, du côté opposé à la ville, le Rhin n’est plus un fleuve, c’est un gouffre. Force bateaux s’y perdent tous les ans. ― Je me suis arrêté un grand quart d’heure à Rhinfelden. Les enseignes des auberges pendent à d’énormes branches de fer touffues, les plus amusantes du monde. La grande rue est réjouie par une belle fontaine dont la colonne porte un noble homme d’armes qui porte lui-même les armes de la ville de son bras élevé fièrement au-dessus de sa tête.

Après Rhinfelden jusqu’à Bruck, le paysage reste charmant ; mais l’antiquaire n’a rien à regarder, à moins qu’il ne soit comme moi plutôt curieux qu’archéologue, plutôt flâneur de grandes routes que voyageur. Je suis un grand regardeur de toutes choses, rien de plus, mais je crois avoir raison ; toute chose contient une pensée ; je tâche d’extraire la pensée de la chose. C’est une chimie comme une autre.