Page:Hugo Rhin Hetzel tome 3.djvu/161

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Pernisten, que l’empereur avait envoyé à Moscou pour savoir ce que c’était, était revenu épouvanté de la couronne du knez, qui surpassait en valeur, disait-il, les quatre couronnes réunies du pape, du roi de France, du roi catholique et de l’empereur. Sa robe était toute semée de diamants, rubis, émeraudes et autres pierres grosses comme des noisettes. Pernisten avait rapporté en présent à l’empereur d’Allemagne huit quarantaines de zoboles et de martres zibelines, dont chacune fut estimée à Vienne deux cents livres. Il ajoutait, du reste, que les Circassiens des cinq montagnes étaient pour ce prince un grand embarras. Il estimait l’infanterie moscovite à vingt mille hommes. Quoi qu’il en fût de ces narrations orientales, c’était une distraction pour l’Europe, occupée alors de tant de grosses guerres, d’écouter de temps en temps le petit cliquetis d’épées divertissant et lointain que faisait dans son coin le knez de Moscovie ferraillant avec le précop, prince des tartares.

On n’avait sur sa puissance et sa force que des idées très-incertaines. Quant à lui, plus loin que le roi de Pologne, plus loin que le roi de Hongrie, majesté à tête rase et à moustaches longues, plus loin que le grand-duc de Lithuanie, prince déjà fort sauvage à voir, habillé d’une pelisse et coiffé d’un bonnet de fourrures, on l’apercevait assez nettement, immobile sur une sorte de chaire-trône, entre l’image de Jésus et l’image de la Vierge, crossé, mitré, les mains pleines de bagues, vêtu d’une longue robe blanche comme le pape, et entouré d’hommes couverts d’or de la tête aux pieds. Quand des ambassadeurs européens étaient chez lui, il changeait de mitre tous les jours pour les éblouir.

Au delà de la Moscovie et du grand knez, dans plus d’éloignement et dans moins de lumière, on pouvait distinguer un pays immense au centre duquel brillait dans l’ombre le lac de Caniclu plein de perles, et où fourmillaient, échangeant entre eux des monnaies d’écorce d’arbre et de coquilles de mer, des femmes fardées, habillées, comme la terre non cultivée, de noir en été et de blanc en hiver, et des hommes vêtus de peaux humaines écorchées sur leurs ennemis morts. Dans l’épaisseur de ce peuple, qui pratiquait