Page:Hugo Rhin Hetzel tome 3.djvu/233

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de Marat et de Couthon retentit plus avant dans la terreur des rois que les deux coups frappés par le bras souverain d’Élisabeth et par le bras formidable de Cromwell. Il serait presque exact de dire que, pour le monde, ce qui ne s’est pas fait en France ne s’est pas encore fait.

1587 et 1649, deux dates pourtant bien lugubres, sont comme si elles n’étaient pas et disparaissent sous le flamboiement hideux de ces quatre chiffres sinistres, 1793.

Il est certain, quant à l’Angleterre, que le penitus toto divisos orbe Britannos a été longtemps vrai. Jusqu’à un certain point il l’est encore. L’Angleterre est moins près du continent qu’elle ne le croit elle-même. Le roi Canut Le Grand, qui vivait au onzième siècle, semble à l’Europe aussi lointain que Charlemagne. Pour le regard, les chevaliers de la table ronde reculent dans les brouillards du moyen âge presque au même plan que les paladins. La renommée de Shakspeare a mis cent quarante ans à traverser le détroit. De nos jours, quatre cents enfants de Paris, silencieusement amoncelés comme les mouches d’octobre dans les angles noirs de la vieille porte Saint-Martin, et piétinant sur le pavé pendant trois soirées, troublent plus profondément l’Europe que tout le sauvage vacarme des élections anglaises.

Il y a donc, dans la peur que la France inspire aux princes européens, un effet d’optique et un effet d’acoustique, double grossissement dont il faudrait se défier. Les rois ne voient pas la France telle qu’elle est. L’Angleterre fait du mal ; la France fait du bruit.

Les diverses objections qu’on oppose en Europe, depuis 1830 surtout, à l’esprit français, doivent, à notre avis, être toutes abordées de front, et, pour notre part, nous ne reculerons devant aucune. Au dix-neuvième siècle, nous le proclamons avec joie et avec orgueil, le but de la France, c’est le peuple, c’est l’élévation graduelle des intelligences, c’est l’adoucissement progressif du sort des classes nombreuses et affligées, c’est le présent amélioré par l’éducation des hommes, c’est l’avenir assuré par l’éducation des enfants. Voilà, certes, une sainte et illustre mission. Nous ne nous dissimulons pas pourtant qu’à cette heure une portion du peuple, à coup sûr la moins digne et