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l’oblat

ces conversations surveillées et inévitablement mornes, l’agacement produit, à la longue, par le manque de cette solitude, si délicieuse à la Trappe et qui est impraticable à Solesmes, où il n’existe ni étangs, ni bois, où le jardin est plat et dénudé, sans un tournant, sans une fin d’allée où l’on puisse se recueillir, à l’abri des regards, sans témoin, seul ?

Très bien, reprenait-il, mais, pour être juste, il me faut avouer maintenant que si j’excepte la question du site — et encore, sauf moi, tous l’admirent — mes autres griefs sont dépourvus de sens. Comment, en effet, réaliser l’ensemble de Solesmes, la solennité de ses offices et la gloire de ses chants, sans cette masse serrée de moines ? Comment, sans une poigne de fer, conduire une armée de près de cent hommes dont les caractères différents, à force de se frotter, s’échauffent ? Il est donc indispensable que la discipline soit aussi rigoureuse, plus même, dans un monastère que dans un camp ; enfin il faut bien aider les autres couvents de la congrégation, plus indigents en sujets, en leur envoyant ceux qui leur manquent, ou un maître des cérémonies, ou un préchantre, ou un infirmier, le spécialiste, en un mot, dont ils ont besoin.

Que ces exils soient redoutés par les résidants de Solesmes, cela prouve qu’ils se trouvent bien dans leur abbaye et n’est-ce pas le meilleur éloge qu’on en puisse faire ? en tout cas, ces départs sont, la plupart du temps, moins des disgrâces que des prêts de maison à maison, nécessités par l’intérêt même de l’Ordre.

Quant à cette répugnance que je ressens à vivre dans cette foule toujours en mouvement, un père auquel j’en