Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/173

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s’impatiente et s’énerve ; l’on pèche contre la charité à mesure que les austérités s’accroissent ; est-ce enviable ?

— Le rosbif lénifie l’âme et le poisson l’irrite ! Dit Durtal, en riant.

— Hélas ! Nous avons des corps débilités de pères en fils maintenant et leurs infirmités se répercutent sur le moral ; c’est une humiliation que le seigneur nous inflige ; il est donc prudent de ne point la négliger ; sinon alors, il n’y a plus qu’à renvoyer les meilleurs de nos sujets parce qu’ils ne peuvent résister aux jeûnes, ou à muer le monastère en hôpital !

Et puis, vous vous imaginez que les Bénédictins se nourrissent constamment de viandes et c’est absolument faux ; la vérité est que nous usons d’aliments gras, plusieurs fois la semaine, sauf en Carême et en Avent. Ajoutez à ces deux saisons, où nous sommes voués au maigre, les quatre-temps, les vigiles, la Semaine Sainte, d’autres fêtes et vous constaterez que nous pratiquons l’abstinence, les deux tiers de l’année, et endurons au moins une centaine de jeûnes.

En tous cas, ces atermoiements que voulut l’église, qui a également desserré les observances des fidèles, sont prévus par notre règle et amplement justifiés par l’affaiblissement des constitutions et par une vie sédentaire d’études qu’il serait impossible de mener avec un nutriment de légumes et d’eau.

Remarquez aussi que si je suis très large pour ceux de mes novices dont le tempérament est délicat, je le suis beaucoup moins pour les autres. Je laisse parfaitement le frère de Chambéon, ce trabucaire du bon Dieu, qui est doué d’une complexion de fer, jeûner tant qu’il