Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/179

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si on la comprime. J’ai peur, en le gardant, qu’il ne devienne fou. D’autre part, expliquez cela, sa piété très réelle s’accorde avec un scepticisme qui déconcerte. Il est rationaliste dans les moelles ; il est de ces gens qui s’attellent sur un texte, avec l’idée que l’on n’est pas savant si l’on n’arrive à démontrer que ce texte est faux et il nie aussitôt qu’il y découvre des actes qui dépassent sa raison. Quand il est arrivé, ici, il était plein des lectures de mgr Duchesne, il citait à tout propos l’histoire de saint Bernard de l’abbé Vacandard. Il lui a soustrait plusieurs miracles ! s’écriait-il, avec admiration ; nous avons essayé de réagir, mais en pure perte. Or, ce novice trouble les autres avec ses aperçus équivoques et ses marchandages de l’au delà ; et j’estime que, dans l’intérêt même du noviciat, il serait dangereux de le conserver.

Malheureusement, il est sans position, sans fortune, et il serait cruel de le congédier sans avoir d’abord assuré son avenir. Il est décidé à ne pas rentrer dans le monde et persiste à vouloir devenir prêtre ; nous allons donc tâcher d’obtenir son admission dans un séminaire ; peut-être ses nouveaux maîtres réussiront-ils mieux que nous à le sauver de lui-même.

— Mais, dit Durtal, il ne déparera pas du tout le personnel des séminaires, car, vous n’ignorez point — et c’est là, le péril de l’heure actuelle — que les plus intelligents des élèves sont, tous, des rationalistes.

— Hélas ! fit le P. Felletin.

— Cette nouvelle génération, poursuivit Durtal, entend la foi à sa manière ; elle en accepte et elle en refuse ; elle n’a plus confiance dans les leçons de ses