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des peintures appliquées sur les deux battants qui les fermaient. L’artiste qui fut chargé de cette commande, Melchior Broederlam, d’Ypres, avait décoré d’une annonciation et d’une visitation le volet de gauche, d’une présentation et d’une fuite en égypte, celui de droite.

Ces œuvres, peintes sur fond d’or mat et bruni, avaient été largement retouchées car elles avaient, avant d’être abritées dans ce musée, longuement pourri dans l’église de Saint Bénigne ; au milieu de personnages vulgaires, de paysans costumés en Dieu le père ou en saints, elles affirmaient, au moins, dans le type de la vierge, une certaine délicatesse ; ce n’était plus la mère bedonnante et folâtre, la maritorne de Jacques De Bars ; celle-là, avec ses prunelles du ton de la fleur des lins, ses chairs laiteuses, son nez qui s’amenuisait déjà plus droit, s’anoblissait, se patricisait, si l’on peut dire, en s’effilant ; ce n’était pas encore la vierge exquise de Roger Van Der Weyden et de Memlinc, mais c’était déjà un peu Marie, la Mère d’un Dieu.

Seulement, ce bon vouloir de distinction se confinait en elle seule, car le saint Joseph de « la Fuite en Egypte » demeurait un rustre accompli et un parfait manant ; tournant le dos à la vierge, il apparaissait de profil, chaussé de bottes à chaudron, suspendant au bout d’un bâton sur l’épaule, une marmite et des hardes et buvant à même d’un barillet un bon coup.

En outre de ces tableaux d’autel, un troisième, datant du quinzième siècle, et provenant de l’abbaye de Clairvaux, une peinture lisse et trop revernie, s’exhibait, elle aussi, sur la cimaise du mur. De ses panneaux, séparés les uns des autres, par des pilastres, un seul était intéressant à