Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/245

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nez effilé aux narines pochetées, semblables à des bouts de pinces à sucre ; mais ce qui gênait en lui, c’était moins son teint jaune, son air chafouin, son ton doctoral et son rire aigre, que ces mouvements nerveux qui lui agitaient constamment la face.

La vérité était que ces zigzags de traits pouvaient s’appeler les tics du scrupule.

Dom Emonot souffrait, ainsi que beaucoup de prêtres et de nombreux fidèles, de cette terrible maladie de l’âme ; et il sursautait tout à coup, se crispait, repoussait, ainsi que d’un geste de physionomie, une vague tentation, s’assurait par un geste de dénégation, par un petit recul, qu’il la repoussait et ne péchait pas.

Cette infirmité était issue d’une vertu vraiment foncière, d’un ardent désir de perfection et l’on s’expliquait son étroitesse d’esprit, son bégueulisme lorsqu’on songeait que tout était pour lui une cause d’appréhension, un sujet de reproches et de plaintes.

Mais cela dit, il fallait reconnaître qu’il était homme de bon sens, expert à mener les âmes qui pouvaient tolérer son régime, dans les montées de la voie rude, très clairvoyant sur la situation actuelle de son Ordre.

Durtal revenait un peu de ses préventions, en l’entendant s’exprimer fort sagement sur ses élèves.

— On rit, disait-il, du fameux moule, cher aux jésuites, sans s’apercevoir que, sous une empreinte qui semble pareille, il n’y a pas de gens plus différents entre eux que les jésuites. La règle de saint Ignace a plané les défauts, émondé les caractères, mais elle n’a nullement tué la personnalité, comme tant de gens le pensent. Plût à Dieu qu’il en fût ainsi chez nous ! Ce