Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/300

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avec ces sautes de désespérances et d’espoirs, et quel sujet de méditation que l’acuité de ces transes dans la vie si parfaitement inconnue de notre Mère !

Et Durtal gémissait avec elle, lorsqu’à la deuxième leçon du nocturne du vendredi saint, la voix douce et claire du petit frère Blanche, debout au milieu du chœur, devant le pupitre, chantait, ainsi qu’en un bêlement prolongé et plaintif, la lettre hébraïque « Mem » et poursuivait sur un rythme dodelineur et dolent la leçon du prophète : « A qui te comparerai-je, à qui dirai-je que tu ressembles, fille de Jérusalem ? Où trouverai-je quelque chose d’égal à tes maux ? Et comment pourrai-je te consoler, ô vierge, fille de Sion ? Ta blessure est large comme la mer ; qui pourra y appliquer le remède ? »

Le remède, soupira Durtal, à la place de l’huile et du vin avec lesquels le bon samaritain pansait naguère les plaies, c’est avec de l’eau régale et du vitriol que les modernes pharisiens panseraient ses plaies, à elle, s’ils la détenaient. Depuis des siècles, la vierge a plus spécialement élu domicile en France, car nulle part, en aucun autre pays, elle n’a distribué autant de grâces ; nulle part, elle ne s’est attestée, ainsi qu’à l’heure présente, par de continuels miracles comme à Lourdes et, de même que dans la Palestine, les injures pleuvent sur elle, et la persécution sévit contre les siens.

La France a inventé le moyen de faire, pour la madone, du calendrier liturgique, une éternelle Semaine Sainte !

Ces pensées l’obsédaient. Au fond, pour dire toute la vérité, la semaine peineuse était celle qui convenait le mieux à ses aspirations et à ses goûts ; il ne voyait bien