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prières marquées, après la complainte campagnarde et boute-en-train qu’est « l’O filii et filiae » une ancienne prose « le Salve Mater misericordiae » extraite du recueil des « Variae Preces » qui l’avait empruntée à l’ancien bréviaire des Carmélites, une prose, à refrain, dont les strophes se déroulaient sur une mélodie populaire.

Ce fut une journée d’ivresse musicale, une orgie d’allégresses liturgiques ; Durtal n’avait pas quitté l’église et le monastère depuis le matin ; et il avait mangé avec les religieux, M. Lampre et le curé, l’agneau paschal.

Ledit agneau avait été servi en entier sur une table et il se convulsait les pattes en l’air, la gueule béante, exhibant ses rangées de dents et tirant une langue noire. Enveloppés de grands tabliers, le père cellerier et le père Ramondoux, armés d’énormes couteaux, le dépecèrent.

Et Durtal eut vraiment un moment d’hilarité.

Les petits novices qui ne mangeaient plus à leur faim, depuis le commencement du Carême, se délectaient, encore que cet agneau eût la chair en cordes à violon d’un vieux bélier ; les angelots bâfraient comme des ogres ; et les vieux moines engloutissaient furieusement les quartiers récalcitrants de la bête.

Le fait est, songea Durtal qui regardait le petit Gèdre et le frère Blanche, le fait est que les pauvres gosses n’ont pas goûté à une miette de viande depuis quarante jours et qu’on leur a mesuré le pain, juste ce qu’il fallait pour ne pas défaillir ; et ce n’est pas avec des épinards et des betteraves à la sauce blanche que