Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/309

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respectueusement en des phrases cherchées, ce après quoi, tous se soumettront, ventre à terre, tranquilles, convaincus d’ailleurs qu’ils ont rempli leur devoir et qu’ils se sont vaillamment conduits.

— S’il en était ainsi, ce serait à désespérer de la France.

— Je ne vois pas de raison pour n’en point désespérer, répliqua Durtal.

— Ah non ! s’écrièrent en chœur les assistants ; vous êtes trop pessimiste ; c’est un temps à passer ; les Ordres partiront en exil, c’est entendu ; nous subirons un quatre-vingt-treize après, c’est encore possible ; mais il y aura ensuite une réaction et la France se relèvera et les monastères refleuriront…

— J’espère, ainsi que vous, en une réaction, répondit Durtal, mais quitte à feindre l’oiseau de mauvais augure, je vous avoue que je ne vois pas, même après une victoire conservatrice, les moines réintégrés dans leurs maisons. Il en sera pour moi de la loi des congrégations comme du concordat que les rois très chrétiens se sont empressés de garder. C’est une arme dont aucun gouvernement, quel qu’il soit, ne voudra se dessaisir…

La meilleure chance qui pourrait vous échoir serait que la loi fût si implacablement, si odieusement exécutée, qu’elle devînt par cela même difficile à défendre ; peut-être alors modifierait-on les plus imprudents de ses articles ; je le souhaite ; si, au contraire, on l’applique placidement, doucereusement, si elle étrangle avec un lacet savonné les Ordres, elle s’inscrira, sans réforme, telle qu’une concession à perpétuité, dans le cimetière de nos codes. C’est triste à dire, mais il faudrait du sang