Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/320

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l’état civil de leurs ouvrages dans les layettes des archives et les registres des trésoreries, mais combien restent inconnus ! Et, dans les clôtures où la miniature naquit et où les moines ne mentionnèrent pas toujours par écrit les noms de leurs praticiens, combien de chefs-d’œuvre anonymes ou perdus, combien attribués à des laïques qui furent leurs imitateurs ou leurs disciples !

Certainement, reprit M. Lampre, après un silence, en ouvrant les heures de la vierge, ce manuscrit est une merveille, mais, à vous parler franc, mon rêve, à moi, eut été de posséder des peintures moins parfaites peut-être, mais antérieures à celles-ci et d’origine monastique plus sûre, cette bible, par exemple, dont il est question dans la chronique de Cluny et qui avait été copiée et enluminée par Albert de Trèves et parée par les ornemanistes du cloître d’une reliure sertie d’or et œillée de béryls et de rubis ou bien encore un volume de ce religieux nommé Durand qui illustrait si magnifiquement les livres liturgiques de l’abbaye que l’abbé voulut, en signe de reconnaissance et d’admiration, que la communauté doublât pour lui, après sa mort, l’office que l’on chantait pour chacun des frères défunts.

J’aurais vendu maison, champs, tout le bazar, pour les acquérir. Qu’étaient ces moines dont les travaux ravirent leurs contemporains ? Je l’ignore : les histoires de Cluny et les biographies de quelques-uns des abbés sont parfois disertes, mais elles nous renseignent mal sur la vie de ces miniateurs qu’elles signalent, pêle-mêle, avec les architectes, les joailliers, les relieurs, les tailleurs d’images, les verriers, avec tous les ouvriers d’art, issus de toutes les régions, qui remplissaient