Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/341

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Le Moïse mis à part dont la face léonine et l’allure grandiose spécifiaient bien l’être extraordinaire que fut cet homme, les autres prophètes de Sluter n’incarnaient qu’un gambrinus à jeun, un Chartreux ou un prêtre, un vigneron, un négociant, un juif.

Et Durtal, rôdant encore autour d’eux, se disait : oui, mais si l’entente entre ces personnages et les prédictions qu’ils annoncent, ne surgit point, si la lamentation des événements qu’ils promulguent n’émeut pas suffisamment ces hérauts des symboles divins, c’est parce que Claus Sluter en a décidé, volontairement, ainsi. Ses visages sont plus ou moins absorbés, plus ou moins dolents, mais l’expression de leurs peines s’en tient là. Les prophètes s’attristent, mais les anges qui les surmontent, en les séparant, pleurent.

Le rôle de « plorants » est, en effet, spécialement dévolu, en cette œuvre, aux anges, et vaguement, en cherchant bien, l’on discerne les motifs de ce choix.

Les prophètes ont vu la Passion du Messie dans la mesure où Dieu voulut bien la leur montrer et chacun d’eux répète le détail qui lui fut le plus particulièrement livré ; ils se complètent, les uns les autres, le seigneur ayant divisé les visions et ne les ayant pas départies, toutes, d’emblée, à un seul ; ils devaient être consternés par la certitude acquise que ce peuple incorrigible qu’ils étaient chargés d’avertir et de réprimander, commettrait le plus abominable des forfaits, en crucifiant le Christ : mais, une fois les révélations messianiques reçues et propagées parmi les familles d’Israël, ils vivaient dans le présent, dans leur époque, et il est compréhensible que cet avenir qu’ils n’étaient pas appelés à voir de leurs