Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/343

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d’Isaïe avec leurs feuilles de pierre aussi flexibles que des feuilles de vélin, leurs reliures à plaques, à cabochons, à courroies, à coins, sont exécutés avec une adresse et presque une sorte de trompe-l’œil, qui déconcerte. Jamais, en l’art de la sculpture, accessoires n’ont été plus pertinemment œuvrés, plus patiemment rendus.

Mais rien ne prouve qu’ils se soient confinés dans des reproductions de nature morte et qu’ils n’aient pas travaillé, aussi, aux parties vives des modèles. Le nom de Sluter couvre tout ; et, faute de renseignements plus précis, il absorbe à lui seul la gloire des humbles imagiers qui l’aidèrent.

Et ils étaient, non de simples ouvriers mais bien de personnels artistes, car, après la mort de Sluter, ce fut l’un des deux, Claus de Werve, qui devint le sculpteur en titre du duc et c’est à lui que l’on doit l’achèvement de l’ouvrage commencé par de Marville et Sluter, le tombeau de Philippe le Hardi, actuellement au musée de la ville.

Il y besogna, assisté, lui aussi, par d’autres « entailleurs de pierre » dont il accapara, à son tour, la part de gloire ; et ce labeur dura cinq ans.

C’est singulier, murmurait Durtal, en regardant encore avant de partir le groupe des prophètes, en son ensemble, comme ce Sluter, qui vivait à la fin du quatorzième siècle, annonçait déjà, bien avant la mort du Moyen-Age, la renaissance. Son art est étrangement en avance sur les données de son siècle. S’il n’avait plus ce concept vraiment mystique des imagiers des époques précédentes, s’il répudiait leurs visages émaciés et brûlants, leurs poses hiératiques, leurs corps effilés, presque fluides,