Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/347

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

turquoises végétales aux nuances plus légères et plus pures ; mais si maintenant elle est bénite par les baladins dont elle raccommode les cordes vocales, usées par l’abus des scènes, de quelle haine cette plante ne fut-elle pas poursuivie par nos ancêtres qui la croyaient née de l’écume de cerbère et la qualifiaient du plus soudain des poisons ! — par contre, en voici une, mieux famée, monastique au moins, reprit-il, en regardant de blanches aigrettes qui fusaient, en forme de jets d’eau, de touffes énormes portant, au bout de tiges teintes en cramoisi, de larges feuilles d’un vert sourd et lustré ; c’est l’âcre et la stimulante rhubarbe, l’herbe des moines, ainsi nommée parce qu’elle abondait jadis dans les officines des cloîtres dont elle était le remède préféré ; et le fait est que le père Philigone Miné en distribuait, à profusion, en cachet et en poudre, aux paysans du Val des Saints, qui se plaignaient de fatigues et de malaises.

Quant à ces gueuses-là, elles ne sont anoblies par aucune ascendance conventuelle et elles sont d’une laideur qui autorise à les classer dans la catégorie de ces plantes néfastes, bordant les clairières des forêts dans lesquelles se démenait, au Moyen-Age, le Sabbat, continua-t-il, examinant, en un coin, parquées à l’écart, des plantes grasses, alignées dans des pots.

D’aucunes ressemblaient à des raquettes velues, à des lobes d’oreilles géantes hérissées de poils ; d’autres affectaient des contours de serpents aux peaux pelées et piquées de crins ; d’autres encore pendaient, telles que des bajoues de vieillards aux barbes pas faites ; d’autres enfin s’arrondissaient en palettes pour battre