Page:Huysmans - L'Oblat.djvu/369

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Douleur prit sa revanche, elle s’avéra despotique, entière, et elle accabla si terriblement la madone que l’on put croire qu’elle avait épuisé la lie désolée du calice. Il n’en fut rien.

Si la douleur fulgurante, aiguë du crucifiement avait été précédée pour elle par la douleur lancinante, sournoise du jugement, elle fut encore suivie de la souffrance, dévorante, têtue, d’une autre attente, de celle de ce jour où elle rejoindrait enfin là-haut, loin de cette terre qui les avait tant honnis, son Fils.

Ce fut donc, en l’âme de la Vierge, comme une sorte de tryptique. La douleur prépotente, parvenue à l’état intense sur le panneau du milieu et de chaque côté, l’angoisse, le ténesme d’une attente ; les deux volets différant pourtant, en ce sens, que l’attente d’avant la crucifixion avait pour but la crainte et celle d’après, l’espoir.

La Vierge ne pouvait, au reste, se dédire. Elle avait accepté la lourde tâche que lui avait léguée Jésus, celle d’élever l’enfant née sur le lit de la croix. Elle la recueillit et, pendant vingt-quatre ans, dit saint Epiphane, pendant douze ans, affirment d’autres saints, elle veilla, ainsi qu’une douce aïeule, sur cet être débile que, nouvel Hérode, l’univers cherchait de toutes parts pour l’égorger ; elle forma la petite église, lui enseigna son métier de pêcheuse d’âmes ; elle fut la première nautonnière de cette barque qui commençait à gagner le large sur la mer du monde ; quand elle mourut, elle avait été Marthe et Marie ensemble ; elle avait réuni le privilège de la vie active et de la vie contemplative, ici-bas ; et c’est pourquoi, l’évangile de la messe du jour est justement emprunté